L'audit juridique dans le cadre d'une levée de fonds
Nicolas Lévêque
3/23/20256 min read


Incontournable à partir de la série A, nous constatons néanmoins, depuis quelques années, de plus en plus de capital venture conditionner leur investissement, notamment dans le cadre de levée seed, à la réalisation d’un audit juridique de la cible.
Pour l’investisseur, l’audit juridique a pour objectif de lui permettre d’évaluer et de maitriser le niveau de risque de son investissement.
Cette phase reste toutefois une étape qui peut être anxiogène pour les fondateurs non habitués qui verront leurs documents juridiques scrutés attentivement par les auditeurs qui sont généralement les avocats du cabinet représentant l'investisseur lead.
Bien comprendre les tenants et les aboutissants de cette phase est donc important pour les fondateurs car, outre le fait de rassurer les investisseurs, les conclusions de l’audit sera susceptible d'impacter directement le rapport de force entre les investisseurs et les fondateurs dans les négociations.
Les types de levée de fonds concernés par l'audit juridique
La réalisation d’un audit juridique n’est pas systématiquement demandée par les investisseurs, cela dépend de plusieurs éléments tels que la typologie d’investisseurs concernée par la levée de fonds (professionnels ou non professionnels), du montant investi et de la phase de maturité de la cible.
De manière schématique, et si l’on doit dégager une tendance de marché, on observe que :
Pré-seed : En phase pré-seed, il est rare que les investisseurs demandent la réalisation d’un audit. Cela s’explique par le fait que cette typologie d’investissement réalisée très early stage est généralement assurée par des investisseurs non professionnels avec des tickets relativement faibles dont les exigences sont moins élevées que les investisseurs professionnels.
Seed : En phase seed, les acteurs concernés demandent rarement la réalisation d’un audit juridique (tout dépend le montant de l'investissement) et se contentent généralement de la signature d’une lettre d’engagement par les fondateurs afin de garantir certains éléments essentiels concernant la cible. Cela étant, on observe toutefois, depuis quelque temps, de plus en plus d'investisseurs financiers qui exigent, dès cette phase, la réalisation d’un audit juridique avec un périmètre limité.
Série A, B, C : À partir de la série A et au regard des montants en jeu, les investisseurs, qui sont généralement des professionnels de l’investissement (capital-risqueur, etc.), demandent systématiquement la réalisation d’un audit complet (droit des sociétés, la fiscalité, le droit social, la propriété intellectuelle, les relations commerciales, le RGPD, etc.). Ici, il est usuel qu’une garantie d’actif et de passif soit exigée par les investisseurs dont le paramétrage dépendra des résultats de l’audit et des zones de risques identifiés.
Le déroulement de l'audit juridique
Le déroulement de l’audit va dépendre de plusieurs facteurs tels que l'intervention d’une banque d’affaires, le périmètre de l’audit, le calendrier de l'opération, etc.
En général, les auditeurs juridiques fourniront une liste de documents juridiques à leur fournir (request list) qui seront collectés et centralisés sur une plateforme dédiée. Dès la mise à disposition des documents, les auditeurs juridiques vont analyser la documentation et poser éventuellement des questions complémentaires aux fondateurs (ou leur conseil juridique et/ou financier) dans le cadre d’un Q&A et/ou d’un entretien téléphonique. Il ne faut pas sous-estimer cette phase qui est d'expérience assez chronophage pour les fondateurs dans la mesure où elle sera effectuée parallèlement à la gestion quotidienne de la société. Il est donc important que les fondateurs anticipent et préparent en amont cette phase avec leurs conseils.
La phase d’audit, qui dure généralement de 2 à 4 semaines, se terminera par la remise d’un rapport d’audit aux investisseurs. Ce document prendra généralement la forme d’un rapport synthétique de type « red flag » et présentera (i) les principaux risques identifiés qui seront classés par matière en fonction de leur degré d’importance et (ii) les recommandations pour les traiter dans le cadre de l’opération d’investissement.
Les éléments contrôlés par les auditeurs juridiques
L’audit juridique aura pour finalité (i) d’identifier les points de processus à respecter (purge des droits des associés existants, etc.) et/ou éléments à régulariser pour mener à bien la levée de fonds et (ii) apprécier l’existence éventuelle de risques juridiques pesant sur la cible susceptibles d’entrainer une sortie de trésorerie significative ou de mettre en danger la continuité de l’activité.
En pratique, l’analyse prendra en considération l’existence du risque en tant que telle et son occurrence (la probabilité de réalisation). Ensuite, en fonction de cette double analyse, l’auditeur procédera à une classification des risques identifiés sur une échelle de valeurs en les classant en fonction de leur importance.
A titre d'illustration, les principaux risques généralement identifiés sont :
Les risques fiscaux : la non-conformité des déclarations ou de calcul de l’impôt / cotisations sociales, la mise en place de mécanisme à risque, etc.
Les risques sociaux : existence de licenciement ou de démission de salarié, non-respect des heures supplémentaires et, plus généralement, du Code du travail, existence éventuelle de travail dissimulé, etc.
La non-conformité au RGDP : ce risque sera d’autant plus présent si l’activité de la startup est BtoC et amène la cible à traiter un nombre important de données personnelles, et cela d’autant plus si il s’agit de données sensibles.
Les risques contrats/business : faculté de résiliation unilatérale du contrat par un client important, clause de non-concurrence restrictive, clause de garantie extensive, modification du cadre réglementaire.
L'impact de l'audit juridique sur la négociation
À moins que l'audit ne révèle des risques potentiellement deal-breakers, les conclusions du rapport d’audit permettront de définir (i) la structuration de l’opération, (ii) les engagements éventuellement demandés aux fondateurs et (iii) le paramétrage de la garantie d’actifs et de passifs (seuil/franchise, de minimis, plafond, garantie de la garantie, etc.).
En pratique, les points relevés dans le cadre de l’audit pourront faire l’objet de traitement divers dans le cadre de l’opération en fonction de leur typologie :
Pour les risques facilement régularisables : l’investisseur exigera généralement que le point identifié soit régularisé préalablement ou au plus tard à la date de l’opération (par exemple, la mise à jour des registres ou la conclusion d’un contrat de transfert de la propriété intellectuelle avec les fondateurs ou alors l’obtention d’un waiver bancaire).
Pour les risques non régularisables : ces derniers seront appréhendés dans le cadre d’une garantie d’actifs et de passifs consentie par les fondateurs ou l’ensemble des associés. Le paramétrage de cette garantie sera directement lié à l’exposition au risque. A noter que ce type de risque peut également impacter la négociation sur la valorisation avec la mise en place de mécanisme spécifique correcteur en cas de réalisation dudit risque (par exemple BSA GAP, BSA relution, etc.).
Pour les risques régularisables à moyen terme : il sera possible de le traiter dans le cadre d’engagements post-closing (par exemple la mise en conformité RGPD).
Comment préparer au mieux l'audit juridique côté fondateurs ?
Le maître mot en la matière est l’anticipation.
Ainsi, la meilleure façon de préparer un audit juridique est tout d’abord, si possible, de faire suivre votre documentation juridique quotidienne par un conseil juridique (avocat) et cela, dès la constitution de votre startup. Certains cabinets d’avocats (dont Askair Avocat) proposent des budgets adaptés aux startups pour qu’elles puissent maitriser leurs dépenses (abonnement juridique ou forfait).
Le fait de faire suivre votre juridique par un avocat vous permettra d’appréhender de manière sereine cette phase capitale et sera un argument de poids face aux investisseurs pour démontrer le sérieux et la crédibilité de votre projet ainsi que votre professionnalisme. Avec une documentation juridique claire et précise, les investisseurs seront rassurés et, par voie de conséquence, plus enclins à négocier une documentation d’investissement favorable aux fondateurs.
- Fonctionnement de la clause de liquidation préférentielle
Autres articles qui peuvent vous intéresser
Contact


Avocat individuel inscrit au Barreau de Paris
Bureau : 2, rue de Poissy - 75005 Paris
eXPERTISES